Quel est le meilleur schéma pour administrer le ponatinib : PACE ou OPTIC ?

Publié le : 17 octobre 2022Tags:

Stratégie d’ajustement de la dose de ponatinib chez les patients LMC en phase chronique dans le cadre des essais PACE et OPTIC.

Dose modification dynamics of ponatinib in patients with chronic-phase chronic myeloid leukemia (cp-cml) from the pace and optic trials.

D’après la communication affichée de J Apperley et al. Abstract #P707, EHA 2022.

Contexte de l’étude

L’essai pilote de phase 2 PACE a évalué l’efficacité et la sécurité du ponatinib administré à la dose de 45 mg par jour chez des patients résistants/intolérants (R/I) au dasatinib ou au nilotinib avec ou sans mutation T315I associée. La survenue d’évènements cardiovasculaires (CV) graves a conduit a une diminution de posologie dans l’essai.  Un lien entre la toxicité CV du ponatinib et la dose prescrite a pu être établi.  Une stratégie d’induction à trois doses différentes de ponatinib, soit 45 mg (posologie de l’AMM), 30 mg et 15 mg, a été récemment testée dans l’essai international de phase 2 OPTIC chez des patients R/I à au moins 2 ITKs ou porteur d’une mutation T315I. Dans cet essai, une désescalade de dose à 15 mg par jour est pratiquée dans les cohortes initiant le traitement aux doses de 45 et 30 mg par jour après obtention d’une MR2 (figure 1). Compte tenu de la toxicité CV du ponatinib (après 5 ans de suivi incidence de 25% [Cortez JE et al. Blood 2021] d’événements artériels occlusifs dans PACE), les recommandations ELN émises avant présentation des résultats préliminaires d’OPTIC plaidaient pour une utilisation préférentielle du ponatinib à des doses plus faibles que celle de l’AMM soit 30 et 15 mg par jour chez des patients ne présentant pas un niveau de résistance très élevé ou chez les patients intolérants. Les résultats intermédiaires d’OPTIC mettent en avant l’efficacité de la cohorte 45 mg/jour remettant en question le concept d’une induction à plus faible dose mais soulignant l’intérêt d’une désescalade de dose.

Figure 1 : schéma récapitulatif de l’essai OPTIC. D’après Cortes JE et al. ASCO 2020, abstract S7502.

Objectifs de l’étude

Apperley et al., ont conduit une analyse comparative en termes d’efficacité et de sécurité entre la stratégie d’administration du ponatinib pratiquée dans PACE (posologie de 45 mg par jour continue) et celle pratiquée dans OPTIC, soit initiation à 45 mg/jour et baisse à 15 mg/jour dès l’obtention d’un ratio BCR::ABL1/ABL1 ≤ 1%. Dans l’essai PACE, des réductions de dose ont été autorisées environ deux ans après l’inclusion du premier patient (en 2013) en raison de l’enregistrement croissant d’évènements occlusifs artériels. Analyse des patients LMC-PC de la cohorte A (45 mg => 15 mg) d’OPTIC et des patients LMC-PC inclus dans PACE.

Résultats de l’étude

L’étude a inclus un total de 364 patients LMC-PC ayant déjà traité au moins un ITK2G ou porteur d’une mutation T315Iet traités par ponatinib à la dose d’attaque de 45 mg par jour : n=270 PACE et n=94 OPTIC). Les caractéristiques principales des patients sont présentées dans le tableau 1. La proportion de patients ayant reçu ≥ 2 ITKs ou ≥ 3 ITKs est de respectivement 93% et 60% dans PACE et 99% et 53% dans OPTIC. Avec un suivi médian de 57 mois dans PACE et 32 mois dans OPTIC, 52 % et 56% des patients ont respectivement obtenu un ratio BCR ::ABL1/ABL1 ≤ 1% à 24 mois. La survie sans progression à 2 ans est de 86% dans PACE et 91% dans OPTIC et, la survie globale à 2 ans de respectivement 86% et 91%. Le délai médian de réponse est d’environ 6 mois pour les 2 essais. Les réductions de dose pour AE ont été beaucoup plus fréquentes dans PACE : 82% versus 46%. La durée médiane sous traitement est de 12.6 mois pour PACE et 19.5 mois pour OPTIC. L’incidence des évènements vasculaires occlusifs au cours de la 1ère année de traitement est deux fois plus importante dans PACE que dans OPTIC (15.8 évènements pour 100 patients-années) en sachant que la proportion de patients avec ATCD vasculaires est 44% dans PACE et de 32% dans OPTIC.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

La stratégie d’adaptation de la dose basée sur la réponse appliquée dans OPTIC apparaît ici gagnante sur le plan de l’efficacité et de la tolérance, notamment en termes de réduction de l’incidence des complications thrombotiques vasculaires. Notons que dans OPTIC, l’âge médian des patients est bien inférieur (46 ans versus 60), et que les antécédents d’évènements ischémiques et de facteurs de risques cardiovasculaire y sont moins fréquents compte tenu des leçons qui ont été tirées de PACE. Pour ces raisons et du fait d’une grande différence de suivi médian entre les deux études, il est difficile de comparer directement la fréquence des évènements thrombotiques entre les 2 essais. Dans les deux cohortes de patients OPTIC traitées à des doses plus faibles de ponatinib la toxicité cardiovasculaire enregistrée est plus faible laissant supposer que la décroissance à 15 mg après obtention d’une MR2 devrait diminuer ce risque. Les données à plus long terme nous conforteront-elles ? L’avenir nous le dira !

 

Critique méthodologique

Cette étude ayant pour objectifs principaux l’analyse de l’efficacité et de la sécurité du ponatinib, dont le lien avec les événements cardiovasculaires a été avéré, compare un groupe de patients recevant la molécule avec 45mg de dose journalière versus un démarrage à 45mg puis désescalade de dose à 30 voire 15mg/jour après obtention d’un taux de BCR::ABL1/ABL1 inférieur à 1%. Pour effectuer cette comparaison, les auteurs ont opté pour l’emprunt des données issues de deux essais cliniques de phase 2, PACE (les 45mg/j) et OPTIC (même dosage mais avec désescalade selon la réponse moléculaire).

À noter que dans l’essai PACE, qui sert ici de référence en quelque sorte, une désescalade de dose a été permise deux ans après l’inclusion du premier patient. Plus précisément, pour détailler la cinétique : le taux de patients à 45 mg/j a d’abord été plus important à 6 mois dans l’essai OPTIC par rapport à PACE (95% vs. environ 60% respectivement) avant que ce taux diminue plus rapidement que pour PACE jusqu’à 30 mois où les deux cohortes avaient des proportions de patients à 45, 30 et 15mg à peu près comparables après 3 ans de suivi. À noter également que la proportion de réduction de dose pour événement(s) indésirable(s) est passé de 65% pour PACE à 45% pour OPTIC, mais que la proportion de patients avec des doses non-réduites est quasi similaire (autour de 19%). Le temps médian de réduction de dose pour safety a triplé (passant de 2,1 à 6,3 mois) entre PACE et OPTIC respectivement. Aucun test n’a été affiché pour comparer ces données, ce qui aurait permis de trancher définitivement la question.

Et pour améliorer cette comparabilité entre les deux cohortes de patients, les auteurs ont calculé pour l’ajustement un score de propension sur pas moins de 14 (!) variables (dont les multiples facteurs de risques cardio-vasculaires et l’âge qui étaient différents entre les essais). Cela semble beaucoup mais on est plus serein sur les analyses statistiques pour équilibrer les groupes avec et sans désescalade systématique. Les risques calculés ajustés avec le score de propension sont en faveur de l’essai OPTIC, où l’on observe la très forte diminution de l’incidence des événements d’occlusions. Les auteurs ont également affiché les courbes de survie globale et sans progression entre les deux cohortes mais séparément (les superposer aurait été souhaitable), sans calculer les hazard-ratios ajustés entre les deux courbes de survie, c’est un peu frustrant. Mais le plus important reste le message principal sur l’efficacité et la sécurité, ainsi que les risques calculés qui ont bien tenu compte des biais entre les 2 essais.

Auteur/autrice

  • Emilie CAYSSIALS

    Hématologue, MCU-PH.
    Expertises : SMP.
    Liens d'intérêts : Incyte Biosciences, Novartis.
    Correspondance : CHU de Poitiers.
    Pôle régional de cancérologie. 2 rue de la Milétrie, 86021 POITIERS, France.

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