Actualités sur les lymphomes à l’ASH 2022.
La première question qui se dégage après le feuilletage de l’arborescence (complexe !) des listes d’abstracts est : « Où sont passés les CAR T cells ? ». En effet, dans les Lymphomes B Agressifs leur place est désormais bien installée, leur utilisation possible dans les Lymphomes Folliculaires et le reste est un peu plus à la marge, avec cependant certaines publications très intéressantes et qui vont probablement impacter nos stratégies de sélection de patients et de procédures. On peut dire que les anticorps, en particulier bispécifiques, comme à l’EHA, tiennent le devant de la scène.
Lymphomes B Agressifs
L’abstract #738 reprend les résultats du mosunétuzumab monothérapie en première ligne pour les patients avec un LDGCB non-éligibles au traitement intensif ou âgés (65-100 ans !). Le taux de RC est de 43%, cependant la SSP à 1 an est décevante en monothérapie (40%), tandis que la survie globale est plutôt bonne mais sans détail sur les traitements reçus (75%), un client pour les combinaisons ! Les abstracts #443 et #442 s’intéressent aux associations R-DHAOx/C et épcoritamab et polatuzumab-R-ICE en au-delà de la 1ère ligne de traitement et avant intensification, avec des populations un peu différentes (l’étude avec épcoritamab comportait plus de patients réfractaires), il semble que le R-DHAOx/C+épcoritamab soit un peu plus efficace avec une réponse globale à 85% et 67% de rémission complète.
Concernant les bispécifiques monothérapie en rechute, les résultats du glofitamab dans le lymphome B agressif en rechute/réfractaire montrent une persistance des taux de RC dans la majorité des cas après la fin du traitement (12 cycles de 3 semaines) (#441). L’ordonextamab est un autre bispécifique CD20xCD3, sous forme intraveineuse également mais qui poursuit son développement en sous-cutané (#444). Les résultats dans une population agressive de la phase I sont prometteurs avec un taux de réponse globale de 51% et un taux de RC de 31%, cependant, la toxicité a été très importante avec de nombreux évènements de grade 5.
Une présentation pragmatique (#556) : il ne sert à rien de pratiquer des BOM dans le bilan d’extension des lymphomes cérébraux à l’ère du bilan d’extension par TEP, sur 300 cas pairés (BOM+TEP-TDM) sans signe d’atteinte du lymphome en dehors du SNC, aucun cas de Lymphome Agressif n’a été retrouvé dans la moelle osseuse. Quelques patients présentaient des envahissements par des entités indolentes, sans modification de la stratégie thérapeutique.
CAR T cells
Commençons avec un abstract pragmatique (#658), la bendamustine a un rôle très défavorable sur les lymphocytes T et pourrait porter préjudice à la production des CAR T cells. Cet abstract est en faveur de cet effet avec une réduction du taux de rémission globale (46%) pour les patients récemment exposés à la bendamustine (<9 mois), contrairement aux exposés plus anciens (71%) ou non-exposés (72%). Les propriétés pharmacocinétiques du CAR T cell post-injection ne sont cependant pas modifiées, sans données fonctionnelles. ALYCANTE (#166) posait la question juste, de l’intérêt de l’axi-cel en 2ème ligne pour les patients inéligibles à l’intensification, ce qui concerne beaucoup de patients. Avec 40 patients inclus, le taux de RC était de 70% avec une SSP médiane de 11 mois, ce qui est bien supérieur au traitement standard. Les données du registre DESCAR-T continuent d’être mises en musique, en particulier avec les abstracts #553 et #767 qui montraient respectivement que les rechutes tardives (après 3 mois) restent associées à un très mauvais pronostic et que les mortalités non liées à la maladie (rares, 5%) sont dominées par les épisodes infectieux et en particulier de COVID-19. Enfin, les données s’accumulent pour les patients atteints de lymphome cérébral primitif/secondaire : l’axi-cel n’est pas associé à une surtoxicité, mais les résultats sont très préliminaires (#165, #440). De même pour les patients atteints de VIH, des résultats encourageants (#763).
Lymphome à cellules du manteau.
L’abstract #74 évaluait le glofitamab dans le LCM, avec 3 lignes reçues antérieurement, et 70% d’exposition aux iBTK, les résultats impressionnent : 84% de réponse globale et 73% de RC. Le suivi est cours, mais pour les patients en rémission à l’issue des 12 cycles (durée fixe), il n’y a pas eu de progression constatée. On a remarqué la présentation #232 présentant les données du zilovertamab (anticorps inhibant ROR1, signalisation ERK1/2, NF-κB, NRF2). Les résultats dans le LCM sont excellents en combinaison avec l’Ibrutinib : 43% de RC, 89% de réponse, avec une durée de réponse médiane de 34 mois, même en considérant les patients en 2L (la majorité), les résultats sont probablement meilleurs que ceux de l’ibrutinib en monothérapie, cependant les populations étaient différentes (Rule et al). On peut juste reprocher que la majorité des patients avaient reçu une seule ligne de traitement auparavant et qu’une grande partie de l’effet puisse être portée par l’ibrutinib. La phase 3 s’amorce (Zilo-301).
Lymphome Folliculaire
En première ligne, on a remarqué l’abstract #607 mosunétuzumab+rituximab+lénalidomide pour les LF de forte masse selon les critères GELF. Avec 94% de réponse globale et 86% de RC, on attend les courbes de SSP avec un meilleur suivi mais c’est excellent., sans toxicité inhabituelle pour cette catégorie de bispécifiques sous-cutanés, avec des CRS relativement prévisibles (après la première dose pleine).
En situation de rechute/réfractaire, il y a eu la mise à jour des données du mozunétuzumab monothérapie (Budde et al. Lancet Oncol 2022, LF après 2 lignes, 8+8 cycles si RC, sinon 17 cycles de plus). Avec une population de 50% de POD24+, le taux de RC était de 60% et 78% de réponse globale. Plus de la moitié des patients n’ont pas eu besoin de nouveau traitement après 2 ans.
Biologie translationnelle du lymphome
L’abstract #322 démontre de façon assez simple l’apport que peut avoir la détection de l’ADN circulant tumoral au cours du traitement. La place la plus « utile » est probablement en cours de traitement pour adapter la stratégie, cependant, le ctDNA pourrait être une aide à la prise de décision en fin de séquence thérapeutique en présence d’un examen métabolique douteux. Par Phased-Seq (sensibilité 0.5×10-5), 99% des patients qui n’ont pas de signal de MRD en fin de séquence sont restés indemnes de rechute, avec un suivi médian un peu limité cependant de 2 ans seulement. L’abstract #541 s’intéressait à la maladie de Hodgkin. L’informativité du compartiment plasmatique, d’un point de vue génomique, est souvent bien plus informative que le compartiment tumoral, et l’équipe de Stanford a mis en évidence plusieurs sous-types distincts génétiquement, phénotypiquement et d’un point de vue pronostic, à regarder lentement.
Benoît TESSOULIN, Nantes.