ELARA, 2 ans de recul, une efficacité homogène mais influencée par la vivacité des T pré-CAR T

Last Updated: 2 January 2024
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Résultats à long termes et analyses ancillaires des patients atteints de lymphome folliculaire en rechute/réfractaire traités par tisagenlecleucel dans l’essai ELARA. 

Long-Term Clinical Outcomes and Correlative Efficacy Analyses in Patients (Pts) with Relapsed/Refractory Follicular Lymphoma (r/r FL) Treated with isagenlecleucel in the Elara Trial.

D’après la communication orale de M Dreyling et al. Abstract #608, ASH 2022. 

Contexte de l’étude

Le lymphome folliculaire, bien que souvent indolent dans sa présentation, peut être associé à un pronostic péjoratif, en particulier pour les patients qui progressent dans les 24 mois suivant une immunochimiothérapie initiale(1). Au-delà de la deuxième ligne thérapeutique, l’utilisation du tisagenlecleucel a mis en évidence des taux de réponses satisfaisants (réponse globale de 86%, avec 69% de RC) dans l’essai ELARA, cependant, dans ce type d’histologie, les résultats à long terme sont ceux qui sont le plus significatifs cliniquement, parfois décorrélés des résultats initiaux. 

Objectifs de l’étude

Résultats mis à jour de l’étude de phase 2
ELARA, avec études ancillaires. Pour rappel, étaient inclus les patients sans transformation agressive, avec un LF en R/R, ayant reçu au moins 2 lignes de traitements dont un anti-CD20 et un alkylant (ou été autogreffé). L’utilisation d’un traitement d’attente était possible. 

Résultats de l’étude

Les résultats portent sur 97 patients inclus, avec un suivi médian de 29 mois, aucun nouveau signal toxique n’est à signaler (pour mémoire, CRS à 49%, sans grade >2 et ICANS à 4%, avec 1% de grade ≥3). De façon intéressante, 18% des patients ont été traités selon un mode « externe », mais un tiers d’entre eux ont dut être hospitalisés pour gestion de toxicité.  Sans suspens, les taux de rémission (mesurés à 3 mois), n’ont pas été modifiés par cette mise à jour avec un taux de RC à 68% et un taux de réponse globale à 86%. 

Le taux de RC est relativement homogène au sein des sous-groupes de patients (POD24 : 59%, Bulks : 65%, double réfractaires : 66%, FLIPI>2 : 61%). Seuls les patients avec forte masse tumorale évaluée par le TMTV (>510mL) avaient un taux de RC qui dénotait, à 40%. Pour l’ensemble de la cohorte, la durée de réponse médiane n’est pas atteinte. La survie sans progression est un peu décevante à 57% à deux ans, tandis que le taux de non reprise de traitement à deux ans est de 70% (figures 1&2). La survie globale est bonne, à 80% à 2 ans.  

Figure 1 : ELARA – Survie sans progression.Population en intention de traitement.

Figure 2 :
ELARA – Temps jusqu’à l’initiation du prochain traitement.

D’un point de vue des facteurs prédictifs, le TMTV confirme son intérêt chez les patients recevant un CAR T cell, avec une limite à 510mL, et un impact fort sur la PFS (<25% à 2 ans pour les fortes masses tumorales). De la même façon, une analyse qui complète des résultats antérieurs en dehors du contexte de CAR T cells, montre que la présence de populations T « épuisés »(2, 3)
(CD3+/LAG3+), est associée à une moins bonne durée de réponse, de façon assez importante. 

Enfin, les patients avec des états inflammatoires moindres (TNF-α, IL-10bas) ont un meilleur pronostic, cependant, ces deux variables étant fortement corrélées au volume tumoral total (respectivement, r=0.86 et r=0.8), ils ne semblent pas représenter des variables indépendantes, bien que cette analyse ne soit pas présentée. 

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Cette mise à jour de l’essai ELARA apporte quelques nouveaux éclairages sur cet essai, en particulier, les résultats à moyen terme (2 ans) se confirment comme favorables, avec des résultats excellents pour les patients qui obtiennent une RC à 3 mois.  Cependant, tous les patients ne tirent pas bénéfice de cette stratégie, et les études ancillaires et en sous-groupes doivent nous faire réfléchir. En effet, l’impact négatif du volume tumoral est particulièrement éloquent, et la perte de réponse dans plus de 50% des cas à 1 an pour ces patients devrait probablement nous inciter à réfléchir globalement (essais de bridge avant CAR T cells) et individuellement sur une possible réduction tumorale plus importante avant l’injection. Enfin, on ne sait pas si les considérations d’épuisement de populations T dans le micro-
environnement tumoral sont également le reflet des populations T circulantes. Si oui, ces populations extraites par leukaphérèse
et qui sont la source du médicament tisagenlecleucel, pourraient également être potentiellement moins actives une fois réinjectées, bien au-delà de l’aspect micro-environnement, pour lequel la lymphodéplétion balaie une bonne partie des équilibres en place. 

Critique méthodologique

Cette analyse de phase 2, somme toute très classique, permet une mise à jour de résultats sur l’efficacité et la sécurité de la molécule avec un suivi médian de 29 mois, certains patients allant jusqu’à 3 ans ou plus, de suivi. Objectivement, considérer cette temporalité comme du « long terme » semble un peu surestimé. Pas de nouveaux événements indésirables notables sont à relayer ; une confirmation des très bonnes probabilités de survie chez les patients en rémission complète (CR) et ce, quelle que soit la survie étudiée (de la survie globale à la durée de réponse). Voici ce qu’on l’on pourrait résumer. 

Une étude classique certes, mais très complète sur le plan des analyses des différents endpoints :
survie globale (OS), sans rechute (PFS, figure 1), durée de réponse (DOR) et délai jusqu’au prochain traitement (TTNT, figure 2). Il faut noter que la rechute, la durée de réponse et le délai jusqu’au prochain traitement sont des événements étroitement liés. Rechute et perte de réponse sont très corrélés, la nuance est mince entre les 2 définitions, et ces 2 événements entraînent très souvent la nécessité de démarrer un autre traitement. Ceci pourrait expliquer l’ensemble des résultats redondants, très en faveur des patients en CR (stabilisée autour de 80% de probabilité de survie) contrairement à ceux en réponse partielle (PR) dont la probabilité de DOR chute rapidement à 20% … Ceci, à l’exception la survie globale, équivalente entre les deux groupes de types de réponse au traitement. Cette information indique que l’on arrive à maintenir correctement la survie des patients en réponse partielle malgré la dégradation de leur réponse. 

Les auteurs auraient cherché dans les données, le moyen d’effectuer quelques analyses de facteurs de risque, montrant un lien entre une PFS moindre et l’augmentation de la tumeur ainsi qu’avec la quantité de cellules T LAG3+. D’autres analyses supplémentaires ont montré de moins bonnes PFS associées à un taux élevé d’IL10 et TFN-α, sachant que l’expression de ces cytokines et protéines étaient positivement très corrélées à la taille de la tumeur. Des régressions de Cox ou courbes ROC temps-dépendantes sur la PFS (ou DOR) auraient pu permettre de classer ces 4 marqueurs selon leur capacité à prédire la survie sans rechute dans cette cohorte de patients autrement que par des courbes de survie effectuées séparément. 

Références 

  1. Casulo, Carla, Jesse G. Dixon, Jennifer Le-Rademacher, Eva Hoster, Howard S. Hochster, Wolfgang Hiddemann, Robert Marcus, and al. 2022. « Validation of POD24 as a Robust Early Clinical End Point of Poor Survival in FL from 5225 Patients on 13 Clinical Trials ». Blood 139 (11): 1684‑93. https://doi.org/10.1182/blood.2020010263.
  2. Blank et al. 2019.

Yang et al. 2017.

Auteurs/autrices

  • Benoit TESSOULIN

    Hématologue, PH.
    Expertises : Lymphopathies B.
    Liens d’intérêts au 01/12/2023 : Gilead/Kite, Abbvie, Lilly.
    Liens d’intérêts au 01/10/2023 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Correspondance : Service d'Hématologie Clinique CHU de Nantes, Place Alexis Ricordeau, 44000 Nantes, France
    benoit.tessoulin@chu-nantes.fr

  • Stéphane MORISSET

    Biostatisticien.
    Domaines d'expertise : essais cliniques.
    Liens d'intérêts au 06/03/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Liens d'intérêts au 01/01/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêt.

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