BOSUTINIB : vers une AMM européenne en 1ère ligne ?
Bosutinib versus imatinib en 1ère ligne chez les patients atteints de LMC en phase chronique : résultats de l’étude BFORE à 24 mois.
Bosutinib versus imatinib for newly diagnosed chronic myeloid leukemia in the bfore trial: 24-month follow-up.
D’après C Gambacorti-Passorini et al. Abstract PF369, EHA 2018.
Présentation et objectif de l’étude
L’essai BFORE est un essai randomisé de phase III comparant en 1ère ligne chez les patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC) en phase chronique (PC) le bosutinib (BOSU) à la posologie de 400 mg par jour (n= 268) à l’imatinib (IMA) 400 mg par jour (n= 268). Les résultats présentés en communication orale à l’occasion de la précédente édition de l’EHA faisaient état d’une supériorité du BOSU sur l’IMA sur le critère principal de jugement défini comme le taux de réponse moléculaire majeure (RMM) à 12 mois de traitement en ITT modifiée. Les résultats après plus de 24 mois de suivi ont présentés lors de cet EHA.
Résultats de l’étude
Sur les 536 patients inclus, l’efficacité a été évaluée à partir des résultats de 487 patients (246 patients BOSU et 241 patients IMA), les patients Ph négatifs ou dont le transcrit BCR-ABL et/ou le caryotype étaient inconnus ont été exclus. Le taux de RMM à M24 en ITT modifiée est significativement supérieur dans le bras expérimental (61.8% versus 53.1%, p=0.0498) (figure 1). L’incidence cumulée des réponses cytogénétiques complètes (RCyC), moléculaires majeures et profondes (RM4 et RM4.5) est significativement plus élevée dans le bras BOSU (82% RCyC, 66% RMM, 34% RM4, et 20% RM4.5) que dans le bras IMA (76% RCyC, 57% RMM, 27% RM4, et 15% de RM4.5) (figure 2). Il n’y a pas de différence en termes de progression de la maladie vers une phase accélérée ou blastique entre les 2 bras (6 patients dans le bras expérimental versus 7 dans le bras IMA). Concernant la tolérance, avec un recul de plus de 24 mois, 71% et 66% des patients poursuivent respectivement le BOSU et l’IMA. La 1ère cause d’interruption du traitement reste la survenue d’évènements indésirables (16% dans le bras BOSU, 10% dans le bras IMA) devant une réponse insuffisante au traitement (4% dans le bras BOSU et 13% dans le bras IMA). Une réduction de dose pour évènement indésirable (EI) a été plus fréquemment réalisée dans le bras BOSU que dans le bras IMA (40% versus 20%). En termes d’EI de grade ≥3, les patients traités par BOSU présentent une incidence plus importante de troubles gastro-intestinaux (12% versus 4%), d’élévation des transaminases (21% versus 2%) et de thrombopénie (14% versus 6%) tandis que le bras IMA l’incidence des neutropénies a été supérieure (figure 3) L’incidence d’évènements cardiovasculaires sévères demeure faible dans les deux bras (<5%).
Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?
Les résultats de suivi à 24 mois confirment la supériorité du BOSU sur l’IMA en termes d’incidence de RCyC, RMM et rémission moléculaires profondes. En termes de tolérance, les troubles digestifs et les perturbations du bilan hépatique sont plus fréquents avec le BOSU qu’avec l’IMA. Début 2018, le BOSU a obtenu un avis positif de l’Agence européenne des médicaments pour une extension d’indication comme traitement de 1ère ligne de la LMC, reste à savoir s’il obtiendra un remboursement ! En France la seule alternative en 1ère ligne aux génériques de l’IMA est actuellement le nilotinib exposant à un risque d’accidents vasculaires artériels. Avec un recul limité, la survenue d’évènements indésirables cardio-vasculaires émergents est faible dans cette étude mais en sachant que l’âge médian est de 53 ans (18-84) et que seul 10% environ des patients inclus présentent des antécédents cardiovasculaires. Notons que l’incidence cumulée de RMM à 12 mois est supérieure dans le bras BOSU quelle que soit la catégorie de risque selon le score de Sokal : 34% versus 16.7% dans la catégorie risque élevé, 44.9% versus 39.1% en cas de risque intermédiaire et 58.1% versus 46.3% pour les faibles risques. En dehors des considérations pronostiques, une cinétique de réponse moléculaire plus rapide et plus profonde par rapport à l’IMA pourrait faire discuter l’utilisation d’un ITK2 en première ligne, dans une perspective de possibilité d’arrêt du traitement, à condition que le profil de tolérance soit satisfaisant.
Critique méthodologique
Cette étude de phase III est stratifiée sur la région géographique et le groupe de risque Sokal. La stratification permet de contrôler la distribution aléatoire des traitements dans un essai thérapeutique, de façon à équilibrer le tirage au sort dans des sous-groupes. Cela permet d’assurer la comparabilité des groupes et la puissance statistique de l’étude en constituant des groupes plus homogènes. Ainsi, si la région géographique est une strate à Y modalités, et le groupe de risque Sokal à Z modalités, il y aura Y*Z strates . L’essai BFORE ne précise pas s’il s’agit d’un tirage au sort par minimisation encore appelée randomisation adaptative ou dynamique. alors que c’est une recommandation CONSORT. En pratique, à chaque patient randomisé, l’on doit calculer en temps réel l’attribution du bras de traitement garantissant le meilleur équilibre possible entre les groupes. Ainsi, le bras de traitement est alloué de manière à minimiser le déséquilibre entre les deux bras de traitement en tenant compte des valeurs des variables de stratification du patient à randomiser et des patients déjà randomisés. Différentes méthodes de randomisation existent (1, 2).
Références
1. Pocock SJ, Simon R. Sequentiel treatment assignment with balancing for pronostic factors in the controlled clinical trial. Biometrics 1975 ; 3 : 103-15.
2. Signorini DF, Leung O, Simes RJ, Beller E, Gebski VJ. Dynamic balanced randomization for clinical trials. StatMed 1993 ; 12 : 2343-50.