L’offre de choix augmente, un nouvel inhibiteur de BTK (iBTK) de 2ème génération bientôt disponible en 1ère ligne ?

Last Updated: 2 January 2024
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Le zanubrutinib permet l’obtention d’une survie sans progression (SSP) supérieure par rapport à l’ibrutinib chez des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) et de lymphome lymphocytique (LL) en rechute ou réfractaires (R/R) : résultats de l’analyse finale de l’essai de phase 3 ALPINE.

Zanubrutinib demonstrates superior progression-free survival (PFS) compared with ibrutinib for treatment of relapsed/refractory chronic lymphocytic leukemia and small lymphocytic lymphoma (R/R CLL/SLL): results from final analysis of ALPINE
andomized phase 3 study.

D’après la communication orale de Jennifer R. Brown et al. Abstract #LBA-6, ASH 2022.

Contexte de l’étude

L’ibrutinib, un iBTK de 1ère génération, est devenu un standard de traitement en particulier en rechute des LLC/LL. Il présente cependant des effets off-target maintenant bien connus avec le recul qui sont responsables d’effets indésirables (EI) et limitent son utilisation. Des taux d’arrêt de traitement pour toxicité de l’ordre de 16 à 23% ont été rapportés dans différentes séries 1, 2, 3, 4. En comparaison, le zanubrutinib est un iBTK de 2ème génération, inhibiteur puissant et très sélectif qui possède des propriétés pharmacologiques optimisées par rapport à ce qui a été rapporté avec ibrutinib. Il a été conçu pour maximiser l’occupation de BTK et minimiser les effets off-target. Un essai de phase 1 avait montré des résultats prometteurs chez 78 patients LLC/LL R/R 5. 

Objectifs de l’étude

L’essai de phase 3 ALPINE est une étude randomisée 1:1 comparant l’efficacité et la tolérance du zanubrutinib versus ibrutinib dans une population de patients LLC/LL R/R ayant reçu au moins 1 ligne de traitement. Le traitement était poursuivi jusqu’à progression ou intolérance. Les patients étaient stratifiés selon l’âge, le caractère réfractaire ou non de l’hémopathie, la région géographique, la présence ou non d’une altération de TP53 [del(17)p ou mutation].

Comme le critère d’objectif primaire, le taux de réponse globale (TRG), était supérieur avec le zanubrutinib, le critère d’évaluation secondaire clé, la survie sans progression (SSP), a été testé pour la non-infériorité dans le cadre de tests hiérarchiques, lorsque 205 évènements de SSP ont été observés. Si la non infériorité entre le zanubrutinib et l’ibrutinib était démontrée, la supériorité du zanubrutinib
(par rapport à l’ibrutinib) pouvait être évaluée et affirmée si p < 0,04996. Les autres objectifs de l’essai étaient la survie globale (SG), la durée de réponse, les taux réponses dont réponse partielle avec lymphocytose (RP-L) ou mieux et la tolérance notamment cardiaque.

Résultats de l’étude

Les patients (n=652) de 15 pays ont été randomisés entre zanubrutinib 160mg x 2/j (n=327) ou ibrutinib 420mg/j (n=325). Les caractéristiques des patients, de la maladie et le nombre médian de lignes de traitements antérieurs (1) étaient équilibrées entre les 2 bras : âge médian 67 vs. 68 ans, statut IGHV non muté 73,1 vs. 73,5%, del(17)p 13, 8 vs. 15,4%, mutation TP53 sans del(17)p 9,2 vs. 7,7%,caryotype complexe 17,1 vs. 21,5% dans le bras zanubrutinib vs. ibrutinib respectivement. 

Avec un suivi médian de 29,6 mois, la SSP était supérieure avec zanubrutinib en ITT à 79,5% versus 67,3% avec ibrutinib (HR: 0,65 [IC 95%, 0,49-0,86], p=0,0024) soit une médiane non atteinte vs. non atteinte vs. 35 mois (IC 95%, 33,2-44,3) (figure 1A). 

 

Elle était également plus longue dans les sous-groupes prédéfinis de patients avec altération de TP53 (77,5 avec zanu vs. 55,7%avec ibru) et statut IGHV non muté. Le TRG était de 86,2% avec zanubrutinib vs. 75,7% avec ibrutinib (p=0,0007) (figure 1B). Il n’y avait pas de différence en termes de SG.

Figure 1A : survies sans progression.

Figure 1B : taux de réponses en fonction des bras de traitement.

 

Les taux d’arrêt de traitement étaient de 26,3% vs. 41,2%, la plupart du temps pour effets indésirables (EI) (16,2 vs. 22,8% dont cardiaques : 0,3 vs. 4,3%) ou progression (7,3 vs. 12,9%), avec zanubrutinib et ibrutinib respectivement (figure 2).

En ce qui concerne la tolérance, il y avait également moins d’évènements avec le zanubrutinib qu’avec l’ibrutinib notamment cardiaques AC/FA-flutter 5,2 vs. 13,3%, moins de réduction et d’arrêt de traitement comme cela est résumé dans la figure 2. Au total, 48 (14,7%) des patients sous zanubrutinib et 60 (18,5%) des patients sous ibrutinib sont décédés (OS HR: 0,76 [IC 95%, 0,51-1,11]). Il est rapporté 6 décès lié à une cause cardiovasculaires dans le bras ibrutinib et aucun dans le bras zanubrutinib.

Figure 2 : profils de tolérance du zanubrutinib et de l’ibrutinib.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Cet essai déjà publié dans le NEJM pourrait changer nos pratiques. Les résultats de cette 1ère étude randomisée comparant zanubrutinib et ibrutinib chez les patients LLC R/R montrent que l’iBTK de 2ème génération est plus efficace et mieux toléré.

Toutefois, les résultats obtenus ici dans le bras comparateur ibrutinib avec un suivi médian de 2,5 ans sont un peu étonnants. La SSP est plus courte que ce qui a été observé dans d’autres études : 67,5% à 2 ans, médiane de 35 mois, dans une population d’âge médian de 67 ans ayant reçu 1 ligne de traitement au préalable. En effet, dans l’analyse finale de l’essai RESONATE publiée en 2019(3), la SSP est toujours supérieure à 70%, médiane de 44,1 mois avec un suivi médian de 65,3 mois dans une population (n=195) âgée de 67 ans, ayant reçu en médiane 3 lignes de traitements. Dans l’essai en vie réelle FIRE 6 présenté en poster cette année, les patients (n=143) d’âge médian 72 ans ayant reçu 1 ligne de traitement au préalable avaient une SSP à 2 ans de 78%, médiane de 53,9 mois avec un suivi médian de 47,2 mois. Est-ce que cette différence est liée à un recul plus court dans l’essai ALPINE ? au fait que l’ibrutinib
a été arrêté plus précocement (essai en ouvert) maintenant que l’on connait mieux ses effets secondaires ? La SG est identique dans les 2 bras à 2 ans.

Il sera intéressant de confirmer ces résultats dans d’autres études. 

Critique méthodologique

Il s’agit d’une des présentations vraiment importantes de cet ASH. Le « Late Breaking » était contemporain de la publication dans le New England Journal of Medicine, ce qui justifie le focus statistique que nous présentons sur les essais de non-infériorité.

Pour ce qui est de la population d’étude (R/R) il s’agit d’une population qui se modifie de façon très rapide, puisqu’en situation R/R de nombreux patients auront dans l’avenir déjà reçu un IBTK.

Il s’agit d’un essai de non-infériorité qui a été transformé en essai de supériorité. Pour une fois le choix des bornes de non-infériorité est justifié (dans l’article du NEJM) et il semble bien que la non-infériorité soit démontrée grâce à une analyse per protocol comme cela est recommandé. Comme vous le verrez dans le focus statistique  le passage de la non- infériorité à la supériorité est possible si un certain nombre de conditions méthodologiques et de résultats sont remplis.

Les résultats du bras de références (ibrutinib) sont de façon étonnante particulièrement mauvais, ce qui facilite les résultats de la partie supériorité, mais le point critiquable (la aussi dans le papier) est principalement que pour le critère de jugement principal, les examens radiologiques n’ont pas été lu de façon centralisée. Or on sait à quel point il peut exister des discordances majeures entre une lecture locale et une lecture centralisée, particulièrement lorsque l’essai est en ouvert. 

Hormis ces points c’est un essai assez convaincant qui devrait effectivement modifier la pratique de la prise en charge des patients.

Références 

  1. Sharman JP. et al, Blood. 2017;130(suppl 1):4060.
  2. Mato AR. et al, Haematologica. 2018 May;103(5):874-879.
  3. Munir T. et al, Am J Hematol. 2019 Dec;94(12):1353-1363.
  4. Ghia P. et al, EHA 2021 Abstract EP636.
  5. TAM CS. et al, Blood. Sep 12;134(11):851-859.
  6. Dartigeas C. et al, ASH 2022, Abstract 4447.

Auteurs/autrices

  • Cécile TOMOWIAK
  • Vincent LEVY

    Hématologue, PU, PH en Pharmacie Clinique.
    Responsable de l’Unité de Recherche Clinique et du Centre de Recherche Clinique du GH de Seine-Saint-Denis, Hôpital Avicenne.
    Membre du CA et du CS du FILO.
    Expertise : Leucémie lymphoïde chronique, essais cliniques.
    Liens d'intérêt au 01/01/2023: Abbvie, AstraZeneca, Janssen.
    Correspondance : Hôpital Avicenne CRC/URC, 125 rue de Stalingrad 96000 Bobigny.

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