Lymphomes, actualités à l’EHA 2024

Last Updated: 2 October 2024Tags:

Cette EHA sans concurrence de l’ICML a été l’occasion de présentations variées et intéressantes, pour quasiment toutes les histologies des lymphomes. Comme depuis plusieurs années, l’immunothérapie emporte la majorité des communications présentées, et des avancées pour les patients. Les combinaisons s’affinent, les phases II passent, et les résultats de phase III commencent enfin à être aperçus, ce qui facilitera l’accès à ces molécules pour nos patients !

Lymphome à cellules du manteau (LCM)

L’abstract S231 a rapporté les résultats du glofitamab  en monothérapie pour les patients en rechute ou réfractaires. Pour les 61 patients inclus (74 % de réfractaires à leur dernière ligne thérapeutique, 2 lignes reçues en médiane), les taux de réponse ont été de 85 %, avec 78 % de RC, avec une survie sans progression de 17 mois. À noter que la SSP des patients exposés aux inhibiteurs de BTK était beaucoup plus courte (9 mois), reliée principalement à des décès sans progression, lors de la pandémie de COVID-19. La phase III GLOBRYTE (NCT06084936, glofitamab vs R-bendamustine ou R-lénalidomide) incluant les patients avec un LCM après au moins une ligne contenant un iBTK est en cours. 

Lymphomes B agressifs 

Concernant l’utilisation des CAR T cells, le registre DESCART a fait entendre sa voix au travers de plusieurs abstracts, en particulier, pour les patients présentant un lymphome indolent transformé (voir article dédié). Le Dr Galtier a rapporté l’impact dans les lymphomes primitifs du médiastin, traités par axi-cel (n=55), avec un taux stabilisé de SSP à 2 ans de 86 %, sans toxicités inattendues pour ce CAR T cell. À noter une survie à 2 ans en cas d’échec plutôt bonne (59 %). 

Pour les sujets âgés (>75 ans), le Dr Borries, a rapporté l’expérience du groupe chez 125 patients (75-82 ans, médiane 76 ans). Les résultats en termes de contrôle tumoral sont similaires à ceux des sujets jeunes “matchés”, cependant, la mortalité non liée à la rechute est plus importante, liée à un taux d’infection plus important. 

Dans nos pratiques, l’utilisation du gemOx pour les patients en échec est souvent associée avec un faible engouement qui est le miroir d’un contrôle tumoral assez mauvais. L’essai STARGLO (LBA3438) s’est intéressé aux patients en échec de première ligne inéligibles à l’autogreffe ou après 2 lignes de traitement, en comparant glofitamab-gemOx (8 cycles puis 4 cycles de glofitamab monothérapie) et R-gemOx (8 cycles). Il existe un bénéfice en SSP (13.8 contre 3.6 mois), qui se traduit en un quasi-doublement de la survie globale (25.5 mois vs 12.9 mois sur la mise à jour post-fin de traitement). Il va s’agir d’une option résolument séduisante pour les patients plus fragiles, et surtout accessible dans tous les centres.  

Depuis l’avènement des immunothérapies, les noms compliqués sont la norme, qu’il s’agisse des DCI ou des noms commerciaux, et nous ferions bien de commencer à nous habituer au collant de l’« englumafusp alpha» (#S237). Le Pr Morschhauser a présenté les résultats de cette phase Ib (NCT04077723) utilisant cet anticorps costimulateur, en association avec le glofitamab. On se souvient que le développement des CAR T cells a bénéficié d’un bond spectaculaire d’efficacité par l’incorporation d’un signal 2 (CD28, CD137/4-1BB) dans le domaine intracellulaire de la construction du transgène. De la même façon, l’englumafusp, est un anticorps bispécifique, αCD19: α4-1BB, qui permettrait de potentialiser l’efficacité du glofitamab (αCD20 :αCD3) en fournissant au lymphocyte T recruté un 2e signal d’activation. 

Dans cet essai à durée fixe (12 cycles), 134 patients ont été traités, dont 83 avaient un LNH agressif (médiane de 3 lignes reçues, 42 %
de patients exposés aux CAR T cells). Il n’y a pas de surtoxicité par rapport à l’utilisation du glofitamab en monothérapie, cependant l’efficacité semble meilleure, avec 67.0 % de réponse, dont 57 % de RC (62 % de réponse et 48 % de RC en post-CAR T cells). À suivre ! 

Les données françaises rétrospectives de l’accès précoce du tafasitamab (anti-CD19) associé au lénalidomide ont été rapportées par le
Pr Herbaux (#P1214). Les données de 214 patients (186 évaluables) ont montré une population âgée (médiane de 78 ans), avec plus d’un tiers de patients avec un PS ≥ 2. Moins de 10 % des patients avaient reçu ou auront reçu des
CAR T cells dans leur histoire. La rémission globale a été obtenue chez 47 % des patients, dont 30 % de RC. Ces résultats apparaissent comme plutôt bons, dans une population “fragile”, cependant, la place de cette combinaison dans un paysage de plus en plus dominé par les anticorps bispécifiques est difficile à trouver.

Lymphome folliculaire

Pour les lymphomes folliculaires, le tiercé de la session (#S232, #S233 et #S234) s’est intéressé aux résultats de l’odronextamab, du
mosunetuzumab et de l’epcoritamab dans l’indication rechute/réfractaire. 

Pour l’odronextamab (n = 128 patients), les résultats de l’essai ELM-2 se confirment avec 80 % de réponse, dont 73 % de RC, et une SSP de 21 mois. Pour le mosunetuzumab, l’étude est un sous-ensemble de l’essai pivotal précédemment publié (Budde et al. Lancet Oncol 2022), qui s’est intéressé aux patients « les plus graves » :
POD24+, après 4 lignes de traitement ou plus (4L+) et > 65 ans. Si les taux de RC sont comparables à la population globale de l’essai (~60 %),  la SSP est plus courte pour les patients lourdement pré-traités (4L+, 36 % à 3 ans vs 54 %
pour les patients en 3L). Enfin pour l’epcoritamab (n=86), les taux de RC sont similaires aux autres anticorps (65 %). Les utilisations de ces anticorps s’associent toutes à la survenue de CRS, souvent précoces et gérables, d’incidences différentes en termes de timing. Les évènements infectieux sont très fréquents. 

 

Auteur/autrice

  • Benoit TESSOULIN

    Hématologue, PH.
    Expertises : Lymphopathies B.
    Liens d’intérêts au 01/12/2023 : Gilead/Kite, Abbvie, Lilly.
    Liens d’intérêts au 01/10/2023 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Correspondance : Service d'Hématologie Clinique CHU de Nantes, Place Alexis Ricordeau, 44000 Nantes, France
    benoit.tessoulin@chu-nantes.fr

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