STIMULUS : réaction ?
Résultats préliminaires de l’étude STIMULUS-MDS1 : une étude de phase 2 randomisée, double-aveugle avec placebo d’inhibition de TIM3
par le sabatolimab ajouté à des agents hypométhylants chez des patients adultes avec syndromes myélodysplasiques de haut risque.
Primary Results of Stimulus-MDS1: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Phase II Study of TIM-3 Inhibition with Sabatolimab Added to Hypomethylating Agents (HMAs) in Adult Patients with Higher-Risk Myelodysplastic Syndromes (MDS).
D’après la communication orale de Amer M. Zeidan et al. Abstract #853, ASH 2022.
Contexte de l’étude
Les SMD de haut risque sont pour le moment traités par agents déméthylants, et en Europe c’est généralement la 5-azacitidine qui est administrée (1). Cependant une médiane de survie de 24 mois reste une base sur laquelle il est important de construire des associations permettant d’améliorer la survie sans trop de toxicité supplémentaire.
Parmi les options disponibles, un anticorps monoclonal anti-TIM3 a donné des résultats prometteurs en phase précoce d’association avec la 5-azacitidine (2).
Les résultats présentés sont ceux de l’étude de phase 2 randomisée STIMULUS.
Objectifs de l’étude
TIM3 est un signal présent à la surface des cellules leucémiques, mais pas sur les cellules souches normales, qui inhibe la phagocytose par les macrophages.
L’étude STIMULUS est une étude de phase 2 randomisée 1:1 qui évalue la 5-azacitidine en association avec le sabatolimab vs. placebo, avec pour objectifs principaux la rémission complète et la PFS. Les centres avaient le choix entre les deux agents déméthylants disponibles, à savoir la décitabine 20 mg/m²/j pendant 5 jours tous les 28 jours ou la 5-azacitidine à 75 mg/m²/j 7 jours tous les 28 jours. Le traitement était administré jusqu’à progression (figure 1).
Les caractéristiques des patients étaient les suivantes : ECOG majoritairement à 1, IPSS-R High ou Very High pour 82% d’entre eux, cytogénétique défavorable dans 40% des cas, blastose médullaire entre 10 et 20% pour 52%. Les mutations les plus fréquentes étaient TP53 (35%), ASXL1 (34%), DNMT3A (27%), sans différence entre les deux groupes).
Résultats de l’étude
Tout d’abord sur le plan de la tolérance, les toxicités de grade 3 et plus étaient la neutropénie (à 60% avec moins de neutropénie dans le groupe sabatolimab), la thrombopénie autour de 40%, l’anémie avec 22% pour les patients ayant reçu le sabatolimab et 43% chez les patients sous placebo, probablement du fait d’une réponse supérieure dans le groupe sabatolimab. Il n’a pas été observé de signal de toxicité immunologique.
L’objectif principal composite n’était atteint ni du point de vue de la réponse complète (21,5 vs. 17,7%), ni de celui de la PFS médiane (11,1 mois vs. 8,5 mois). Cependant à l’observation « visuelle » de la courbe de PFS on a l’impression d’un effet retardé de l’addition de sabatolimab (figure 2).
Dans une analyse de sensibilité, les patients avec un IPSS-R intermédiaire ou élevé, de même que les patients avec une blastose entre 5 et 10% semblent bénéficier davantage du sabatolimab (figure 3).
La maturation de ces résultats, et les résultats de la phase 3 en cours (inclusions terminées, objectif principal = survie) nous permettront de mieux comprendre le bénéfice du sabatolimab dans les prochains mois.
Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?
Il s’agit d’une étude de phase 2 randomisée qui ne démontre pas de différence significative de réponse, de PFS ni de survie. On peut critiquer le faible nombre de patients, et le design qui n’est généralement dimensionné pour démontrer une différence de faible ampleur, ce qui est probablement le cas ici.
Donc pour le moment pas de changement de pratiques, on attend avec impatience les résultats de la phase 3, ainsi que la maturation de la phase 2R qui pourrait apporter surprises – espérons-les bonnes – avec plus de recul, ce qui permettra sans doute de mesurer l’impact des répondeurs tardifs sur la PFS et la survie.
Critique méthodologique
Cette étude de phase 2 présente aux premiers abords un design assez solide avec un schéma en double aveugle, une randomisation stratifiée sur le niveau de IPSS-R et l’agent déméthylant utilisé.
Le choix de l’objectif principal interpelle puisqu’il est composé de deux co-critères : la rémission complète et la survie sans progression. Comme c’est souvent le cas malheureusement, la méthode statistique utilisée est absente de l’abstract et de la présentation orale, mais au vu de la présentation des résultats, les co-critères de cette étude semblent être analysés conjointement.
Cela pose un problème de multiplicité des tests ainsi qu’une inflation du risque alpha, c’est-à-dire le risque de se tromper en trouvant une différence de rémission et/ou de PFS entre les deux groupes. Ce risque n’a visiblement pas été pris en compte.
D’autre part, se pose la question de l’intérêt d’une analyse conjointe de ces deux critères. L’équipe coordinatrice de cette étude aurait pu analyser la rémission complète en tant objectif principal, puis la PFS en objectif secondaire comme c’est le cas dans les phases 2.
Une autre alternative est d’utiliser un critère hiérarchique : comparer la rémission complète puis, en cas de différence significative de cette dernière, d’analyser la PFS.
Aucune hypothèse statistique concernant la rémission ou la PFS n’a été présentée, il est difficile de comprendre le choix du nombre de patients de cette étude. Comme le dit Emmanuel Gyan plus haut, cet effectif est probablement sous-estimé. Il aurait fallu observer un taux de rémission complète d’au moins 40% dans le bras sabatolimab pour obtenir une différence significative.
Face à l’absence de différence de PFS et une lecture a faite (surinterprétation ?) de la courbe de PFS (figure 2), l’orateur Morie A. Gertz, met en avant un possible effet retardé du traitement. Or, l’analyse utilisée pour comparer la PFS est un modèle de Cox stratifié sur l’IPSS-R (mais pas sur l’agent déméthylant) et un hazard ratio a été estimé HR : 0.75 (IC95% : 0.48-1.17). Il faut savoir que le modèle de Cox est basé sur l’hypothèse de la proportionnalité des risques, et d’après la figure 2, la trajectoire des deux courbes est modifiée après les 6 premiers mois du suivi, ce qui signifie que le HR n’est probablement pas constant au cours du temps.
Il existe une alternative qui est d’estimer un HR de l’effet du traitement les 6 premiers mois, puis un second HR pour la période restante.
Enfin, un dernier mot sur les analyses en sous-groupes présentées. Certaines d’entre elles sont justifiées car prévues dans le protocole avec une randomisation stratifiée, c’est le cas de l’IPSS-R même s’il n’y a pas eu de précision la prise en compte ou non des comparaisons multiples. D’autres sous-groupes n’ont pas été prévus et mais l’auteur précise bien qu’il s’agit d’analyse exploratoires (voir le focus statistique sur les analyses post-hoc).
Références
- Brunner, A. M., Esteve, J., Porkka, K., Knapper, S., Traer, E., Scholl, S., Garcia-Manero, G., Vey, N., Wermke, M., Janssen, J., Narayan, R., Loo, S., Kontro, M., Ottmann, O., Naidu, P., Pelletier, M., Han, M., Lewandowski, A., Zhang, N., … Tovar, N. (2021). Efficacy and Safety of Sabatolimab (MBG453) in Combination with Hypomethylating Agents (HMAs) in Patients (Pts) with Very High/High-Risk Myelodysplastic Syndrome (vHR/HR-MDS) and Acute Myeloid Leukemia (AML): Final Analysis from a Phase Ib Study. Blood, 138(Supplement 1), 244–244. https://doi.org/10.1182/BLOOD-2021-146039
- Fenaux, P., Mufti, G. J., Hellstrom-Lindberg, E., Santini, V., Finelli, C., Giagounidis, A., Schoch, R., Gattermann, N., Sanz, G., List, A., Gore, S. D., Seymour, J. F., Bennett, J. M., Byrd, J., Backstrom, J., Zimmerman, L., McKenzie, D., Beach, C. L., & Silverman, L. R. (2009). Efficacy of azacitidine compared with that of conventional care regimens in the treatment of higher-risk myelodysplastic syndromes: a randomised, open-label, phase III study. The Lancet. Oncology, 10(3), 223–232. https://doi.org/10.1016/S1470-2045(09)70003-8