Un nouvel anti-CD20 dans l’arsenal thérapeutique de la LLC ?

Réf. : HematoStat.net ; 1 (9) : U2

Association ublituximab plus ibrutinib versusibrutinib chez les patients atteints de LLC à haut risque en rechute ou réfractaires : essai de phase 3 (GENUINE) randomisé multicentrique en ouvert.

Ublituximab plus ibrutinib versus ibrutinib alone for patients with relapsed or refractory high-risk chronic lymphocytic leukaemia (GENUINE): a phase 3, multicentre, open-label, randomised trial (1).

Contexte de l’étude

Depuis la mise à disposition de l’ibrutinib, inhibiteur de Bruton tyrosine kinase (Btk), la question de l’intérêt de son association avec un anticorps anti-CD20 reste ouverte, l’addition de rituximab ou d’obinutuzumab à l’ibrutinib (et plus récemment à l’acalbrutinib) ne semblant pas apporter de réel bénéfice clinique.

Objectif de l’étude

L’objectif principal de cette étude est de déterminer l’intérêt de l’ajout d’un anticorps anti-CD20, l’ublituximab à l’ibrutinib (U-Ibr) versus ibrutinib (Ibr) seul chez les patients atteints de LLC en rechute ou réfractaire à haut risque.

 Méthode

Il s’agit d’un essai randomisé de phase III en ouvert, les centres participants étant essentiellement Américains (tableau 1).

Tableau 1 : caractéristiques des patients inclus dans l’étude.

Tableau 1 : caractéristiques des patients inclus dans l’étude.

Les patients inclus étaient atteints de LLC en rechute ou réfractaires et porteurs de facteurs de risque défavorables i.e.del17p, del11q, ou mutation TP53. Il n’y avait pas de limite supérieure d’âge est l’ECOG devait être <3.

Les patients étaient randomisés 1:1, et stratifiés sur le nombre de lignes de traitement antérieures (1 vs.2 ou plus)

L’ibrutinib était administré au posologie habituelles (420 mg/j) et l’ublituximab pendant 6 cycles 150 mg J1, 750 mg J1, 900 mg J8-J15 puis 900 mg J1 des cycles 2 à 6, puis 900 mg tous les 3 cycles. Le critère de jugement était initialement un co-critère principal (ORR et PFS) qui a été amendé (ORR seul).

 Résultats de l’étude

Cent vingt-six patients ont été randomisés entre février 2015 et décembre 2016. Avec un recul de 41.6 mois, le taux de réponse global est de 83% dans le bras U-Ibr versus 65% dans le bras Ibr (p=0.02).

La plupart des AE ont été de grade 1 ou 2. Les événements de grade 3 – 4 les plus fréquents ont été les neutropénies (19% pour U-Ibr vs. 12% pour Ibr), l’anémie (8% vs. 9%), la diarrhée (10% vs.5%). Les SAE les plus fréquents ont été les pneumopathies, les fibrillations atriales, les sepsis et les neutropénies fébriles.

En termes de maladie résiduelle (MRD), la proportion de patients atteignant une négativité de la MRD dans le sang, la moelle ou les 2 était supérieure dans le bras U-Ibr (42% vs.6%, p<0.0001).

La médiane de PFS n’a pas été atteinte chez les patient randomisés dans le bras U-Ibr versus 35.0 mois dans le bras Ibr (HR 0.46, 95% CI 0.24–0.87 ; p=0.016).

Dans le sous-groupe des patients porteurs d’une del 17p et ou mutation de TP53, le bénéfice de l’association U-Ibr semble encore plus important (HR 0·25, 95% CI 0·10–0·65 ; p=0·0040). En revanche il n’a pas été observé de différence chez les patients porteurs d’une del 11q (HR 0·97,95% CI 0·36–2·61 ; p=0·94) (figure 1).

Figure 1 : estimation de la PFS en fonction du bras de traitement. A : chez l’ensemble des patients. B : chez les patients avec del17p et/ou mutation de TP53. C : chez les patients avec del11q.

Figure 1 : estimation de la PFS en fonction du bras de traitement.
A : chez l’ensemble des patients.
B : chez les patients avec del17p et/ou mutation de TP53.
C : chez les patients avec del11q.

Quels impacts sur les connaissances et les pratiques cliniques ?

Il s’agit d’un essai apportant un argument supplémentaire à l’addition d’un anticorps anti-CD20 à l’ibrutinib dans les situations de LLC en rechute ou réfractaire. Cependant l’ublituximab, n’est pas encore sur le marché, et les résultats en termes de PFS n’ont été obtenus que comme critères de jugement secondaire

Critique méthodologique

En raison d’un amendement rendu nécessaire par la difficulté à inclure le nombre de patients prévu, on se retrouve avec un essai dit de phase 3 pour lequel le critère de jugement principale est un taux de réponse. L’ensemble des données de PFS, aussi intéressante qu’elles puissent être, ne peuvent être considérées comme des conclusions. Cet essai devrait donc théoriquement être confirmé par un « vrai » essai de phase 3 d’une puissance suffisante pour pouvoir répondre aux questions de PFS voire de survie.

Points forts Points faibles
Cliniques ·      Population à haut risque.

·      Taille de l’échantillon.

·      Durée du suivi.

·      Données médullaires manquantes.

·      Applicabilité clinique.

Statistiques ·      Clarté des résultats. ·      Amendement sur le critère de jugement principal.

Référence :

1 – Sharman JP, Brander DM, Mato AR, Ghosh N, Schuster SJ, Kambhampati S, Burke JM, Lansigan F, Schreeder MT, Lunin SD, Zweibach A, Shtivelband M, Travis PM, Chandler JC, Kolibaba KS, Sportelli P, Miskin HP, Weiss MS, Flinn IW.Ublituximab plus ibrutinib versus ibrutinib alone for patients with relapsed or refractory high-risk chronic lymphocytic leukaemia (GENUINE): a phase 3, multicentre, open-label, randomised trial. Lancet Haematol. 2021 Apr;8(4):e254-e266. doi: 10.1016/S2352-3026(20)30433-6. Epub 2021 Feb 22.

Auteur/autrice

  • Vincent LEVY

    Hématologue, PU, PH en Pharmacie Clinique.
    Responsable de l’Unité de Recherche Clinique et du Centre de Recherche Clinique du GH de Seine-Saint-Denis, Hôpital Avicenne.
    Membre du CA et du CS du FILO.
    Expertise : Leucémie lymphoïde chronique, essais cliniques.
    Liens d'intérêt au 01/01/2023: Abbvie, AstraZeneca, Janssen.
    Correspondance : Hôpital Avicenne CRC/URC, 125 rue de Stalingrad 96000 Bobigny.

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