Vénétoclax + agents hypométhylants : un nouveau standard
Vénétoclax en association avec les agents hypométhylants induisent des réponses rapides, profondes et durables chez les patients âgés non préalablement traités inéligibles à une chimiothérapie intensive.
Venetoclax in combination with hypomethylating agents induces rapid, deep, and durable responses in patients with AML ineligible for intensive therapy.
D’après la communication orale de Pollyea DA et al., abstract #285, ASH 2018.
Contexte de l’étude
Les patients agés > 65 ans atteints de leucémie aiguë myéloblastique (LAM) sont souvent inéligibles au traitement intensif ou réfractaires à la chimiothérapie et ont des pos- sibilités thérapeutiques réduites (1) . BCL-2 est un gène anti-apoptotique surexprimé dans les LAM et associé à une chimiorésistance et un mauvais pronostic (2,3) . Le vénétoclax est un in- hibiteur de BCL-2 utilisé par voie orale et qui a montré des résultats promet- teurs en association avec les agents déméthylants (67% RC et RCi dans la phase 1 avec médiane de durée de rémission de 11 mois et médiane de survie globale de plus de 17 mois) (4) .
Objectifs de l’étude
L’objectif de cette étude de phase 1b multicentrique était de vérifier la sé- curité de l’association vénétoclax + décitabine/azacitidine chez les pa- tients de 60 ans ou plus avec une LAM et inéligible au traitement d’induction. Les autres objectifs étaient également de déterminer les taux de RC, les taux de RCi, et la survie globale. Les critères d’inclusion et le sché- ma de traitement sont illustrés dans la figure 1. Les malades incluables avaient un âge ≥60 ans, une LAM confirmée au myélogramme, étaient inéligibles à un traitement intensif (cytarabine+anthracycline) et avaient un ECOG score 0–3 et des fonctions rénales et hépatiques normales. Ils ne pouvaient pas être inclus en cas de traitement préalable à la cytarabine, en cas d’atteinte du SNC, leucocytose >25 G/L (hydrea autorisée), une sérologie positive pour HIV, HBV, HCV.
Résultats de l’étude
L’escalade de dose a permis de déter- miner que la dose de vénétoclax pour la phase 2 serait de 400mg. Ici sont présentés les résultats des patients traités par 400mg de vénétoclax et décitabine (n=31) ou azacitidine (n=84). La médiane d’âge était de 72 et 75 ans dans les groupes VEN+DEC ET VEN+AZA. Globalement 1/3 des patients avaient une mutation de TP53, 1⁄4 une mutation d’IDH1/2, 15% une mutation de FLT3, et 17% une mutation de NPM1.
Le caryotype était intermédiaire/dé- favorable dans 60/39% des patients traités par VEN+AZA et 52/48% des patients traités par VEN+DEC. Un peu plus d’un quart des patients avaient une LAM secondaire. Les effets se- condaires ont été essentiellement des toxicités hématologiques, neutro- pénies fébriles (grade ≥3 : 29% avec aza et 65% avec décitabine), pneu- monies (27 et 32% de grade 3 ou 4). Il y a eu très peu de toxicités diges- tives de grade ≥3 (moins de 5%). La mortalité à J30 était de 2% avec azacitidine et 7% avec décitabine. Il n’y a pas eu de syndrome de lyse tu- moral biologique ou clinique. Il faut noter que des interruptions de trai- tement ont été nécessaires pour 2/3 des patients, la majorité des cas pour permettre une récupération hémato- logique après disparition des blastes médullaires. Les taux de CR+CRi atteignent 71% dans le bras avec azacitidine et 74% dans le bras avec décitabine, avec un temps médian jusqu’à rémission de 1.2 et 1.9 mois respectivement, les patients recevant en médiane 6 cycles (figure 2A). La réponse était similaire dans les diffé- rents sous groupes de cytogénétique intermédiaire, défavorable, les sous type de LAM de novo ou secondaire et dans les groupes mutés IDH1/2, NPM1, FLT3 et TP53, Avec une mé- diane de follow-up de 14.9 mois pour le groupe vénétoclax/azacitidine et 16.2 mois pour le groupe vénétoclax/ décitabine, les médianes de durée de réponse sont de 21.2 mois (ven/aza) et 15 mois (ven/dec) chez les répon- deurs. La médiane de survie globale est de 16.9 mois (ven/aza) et 16.2 mois (ven/dec) avec respectivement 57% et 61% des patients vivants à 12 mois. Les courbes de survie chez les répondeurs et non répondeurs sont présentées dans la figure 2B. Chez les patients répondeurs, 48% (ven/aza) et 39% (ven/dec) des patients obtiennent une MRD négative par cytométrie en flux.
Quels impacts sur les connais- sances et les pratiques cliniques ?
Cette étude marque un tournant dans la prise en charge des patients de plus de 60 ans et inéligible à un traitement intensif. C’est une avan- cée majeure dans cette population de patient pour lesquels le traitement standard ne donne que des résultats médiocres en terme de survie à long terme. L’association vénétoclax + agents déméthylants à d’ailleurs été approuvée par la FDA en cette fin d’année 2018 pour les patients de plus de 75 ans inéligible au traitement intensif. Un essai randomisé de phase 3 est en cours. La question va aussi se poser de traiter des patients plus jeunes et un essai de phase 2 est d’ailleurs en cours chez les moins de 60 ans (NCT03573024).
Critique méthodologique
L’objectif de cette étude de phase 1b est de vérifier la sécurité de l’association vénétoclax + décitabine/ azacitidine chez les patients de 60 ans ou plus avec une LAM et inéligible au traitement d’induction. La conception de l’étude et la sécurité des sujets sont deux priorités capitales dans une étude de phase 1. Rappelons les 4 points importants à vérifier lors de la planification d’un essai de phase 1 :
- sous-estimer l’importance de l’étude de PK-PD;
- choisir les mauvaises doses;
- manque ou inadéquation de contrôles;
- échec de l’évaluation des biomarqueurs.
La principale différence entre une étude à doses multiples croissantes (Multiple Ascending Dose, i.e. MAD ou phase 1b) et une étude à dose ascendante unique (Simple Ascending Dose, i.e. SAD ou phase 1a) réside dans le nombre de doses administrées à des sujets individuels. Les sujets dans une phase 1b (MAD) reçoivent plusieurs doses du médicament à l’étude, alors que les sujets dans une étude de phase 1a (SAD) ne reçoivent qu’une dose du médicament à l’étude.
Puisque les autres objectifs étaient de déterminer les taux de RC, les taux de RCi, et la survie globale, une alternative serait de proposer d’évaluer simultanément la sécurité et l’efficacité d’associations thérapeutiques dans un essai combiné de phase 1-2.