Vers un nouveau standard de traitement dans l’HPN

Publié le : 24 juin 2024
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Réf.HematoStat.net ; 4(2) : U21.

Peffault de Latour R, Röth A, Kulasekararaj AG, Han B, Scheinberg P, Maciejewski JP et al. Oral Iptacopan Monotherapy in Paroxysmal Nocturnal Hemoglobinuria. N Engl J Med. 2024 14;390(11):994-1008. doi: 10.1056/NEJMoa2308695.

Résumé : Cette étude rapporte 2 essais de phase III testant l’iptacopan en monothérapie (>24 semaines) chez des patients présentant une HPN hémolytique, naïfs (essai APPOINT-PNH) ou ayant reçu au préalable (essai APPLY-PNH) un anti-C5. Dans l’essai APPLY-PNH, 51/60 des patients ayant reçu l’iptacopan présentaient une augmentation de l’hémoglobine (Hb) >2g/dL et 42/60 ont atteint un taux >12g/dL (critères de jugements principaux), contre 0/35 dans le groupe témoin des patients poursuivant l’anti-C5. Dans l’essai mono-bras APPOINT-PNH, 31/33 patients ont présenté une augmentation du taux d’Hb >2g/dL. Le traitement par iptacopan a permis une réduction de la fatigue et des paramètres d’hémolyse. Les céphalées étaient l’événement indésirable le plus fréquemment rapporté avec l’iptacopan (16% et 28% dans les essais APPLY-PNH et APPOINT-PNH respectivement).

Dans nos pratiques : Chez les patients HPN traités par anti-C5, qui représente actuellement le standard de traitement, une hémolyse persistante peut être secondaire à l’opsonisation des hématies par des fragments C3, entraînant une hémolyse extravasculaire. Ces résultats largement positifs suggèrent une efficacité des inhibiteurs proximaux du complément en cas d’hémolyse persistante après anti-C5 et en première ligne. Il est probable que l’iptacoban jouera un rôle déterminant dans l’évolution des approches thérapeutiques dans l’HPN.

Critique méthodologique

Deux essais « pour le prix d’un », c’est le point que fait cette publication. L’essai randomisé APPLY-PNH est un peu atypique de par son ratio (8:5, le bras Iptacopan était le plus représenté), un double critère primaire (élévation de 2g/dL d’hémoglobine depuis la valeur baseline ET un taux supérieur à 12g/dL) évalué sur une fenêtre temporelle assez lointaine, ainsi qu’un nombre de patients pas si élevé que cela, mais avec un risque alpha unilatéral de 2.5% (sans spécifier la puissance). On peut supposer que les attentes étaient très élevées en termes de taux de réussite pour la molécule en question, ce qui est le cas d’après les résultats finaux, sans appel. Des régressions logistiques avec variables de stratification étaient également prévues pour consolider les résultats. À noter que pour cette régression, une correction de Firth a été appliquée. Elle est utile dans le cas d’événements rares (ce qui est le cas du bras placebo qui n’a aucun succès justement et cela peut poser des problèmes de calculs d’odds-ratios à cause de 0 en dénominateur). Les méthodologistes avaient prévu également l’éventualité d’inflation du risque alpha en cas de multiplicité des tests séquentiels. Enfin, des estimations de différences de points de pourcentages étaient indiqués dans les histogrammes avec leurs intervalles de confiance de 95%. Non seulement les résultats sont hautement significatifs sur le plan statistique comme clinique, synonyme de succès de l’essai, mais de plus les statistiques employées sont réellement pointues même si cela semble assez simple au départ.

L’essai APPOINT-PNH est d’une autre nature car il est mono-bras et donc n’avait besoin que d’un taux de succès pré-spécifié. Plus « direct », cette étude a nécessité des méthodes d’imputation tout de même (sans être trop expansif à ce sujet). Les graphiques sont très parlants, informatifs et sobres, que ce soient les histogrammes ou les évolutions de valeurs moyennes au cours du temps, ils mettent très bien en valeur les résultats obtenus. On attend de voir maintenant ce qu’il en sera de la durabilité de la réponse.

Points faibles Points forts
Cliniques · Un suivi plus long sera nécessaire pour juger de l’impact des inhibiteurs proximaux sur le risque thrombotique et infectieux. · Schémas randomisés des études.

· Critères de jugement principaux largement positif.

Statistiques · Un suivi plus long serait aussi utile pour observer la durabilité de la réponse.

· Emploi un peu flou des imputations de données.

· Une méthodologie statistique très robuste et très sérieuse pour des résultats simples à interpréter.

Auteurs/autrices

  • Lin-Pierre ZHAO

    Hématologue.
    Chef de clinique assistant
    Liens d'intérêts au 06/03/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Liens d'intérêts au 01/01/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Correspondance : Service Hématologie Séniors - Trèfle 4 | Hôpital Saint-Louis | Université Paris Cité Inserm U1160 | Institut de Recherche Saint-Louis 1 avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris.

  • Stéphane MORISSET

    Biostatisticien.
    Domaines d'expertise : essais cliniques.
    Liens d'intérêts au 06/03/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
    Liens d'intérêts au 01/01/2024 : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêt.

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